Le SOE et les maquis (pages 88 à 90)
Pauline - Les maquis, c'était encore quelque chose de
très nouveau, ça n'avait jamais existé.
Henri - Il ne faut pas dire que ça n'avait jamais existé
: il y a eu des francs tireurs, en 1870, qui étaient des
maquisards...
P - Oui, mais les francs tireurs étaient des militaires, (H :
c'étaient des clandestins, quand même) alors que nous,
nous ne l'étions pas. Même aujourd'hui, la
résistance a gardé cette image : vu de
l'extérieur, ça ne faisait pas partie de l'armée,
cela ne faisait partie d'aucune chose officielle - sauf à la
fin, lorsque les F.F.I. (Forces françaises de
l'intérieur) sont passées sous le commandement du
général Koenig.
- quand vous dites « vu de l'extérieur », vous
voulez dire : du point de vue de l'armée ?
P - Du point de vue de l'armée, comme de tous les corps
constitués. Nous n'étions pas un corps constitué.
Nous avons été inventés avec un objectif
précis - « mettre le feu à l'Europe », au
moment du débarquement, comme disait Churchill - et puis quand
la guerre a été terminée, ça a cessé
d'exister !
Le S.O.E. s'est trouvé pendant longtemps... oublié. Il
l'est toujours, en Angleterre aussi. Vous savez que c'est la
première fois depuis la guerre que le S.O.E. a été
invité, en novembre dernier (1994) au Festival of Remembrance,
le festival de la mémoire ou du souvenir, auquel participent des
représentants des forces armées britanniques. J'ai
reçu une invitation pour cette commémoration qui a lieu
tous les 11 novembre, au Royal Albert Hall à Londres.
H - En Angleterre, dans la masse de la population, personne ne sait ce
que c'est, encore bien moins que nous en France (Pauline confirme).
- En France, il y a quand même... le souvenir des radios,
« Ici Londres », les parachutages...
H - En plus de ça, des gens ont vécu avec des gens du
S.O.E. En Loir-et-Cher, par exemple, il y a des gens qui ont
été dans le coup, ils savent ce qu'est le S.O.E.
P - Oui, mais pourquoi ? Parce qu'on avait l'Amicale (des anciens
combattants Nord-Indre et Vallée du Cher), parce qu'on a
parlé de nous. Ce que j'essaie aussi de faire comprendre, c'est
que le S.O.E. n'a pas existé seulement dans un endroit. Vous
savez qu'il y a eu 92 réseaux S.O.E. en France,
créés entre 41 et 44. C'est grâce aux
réseaux développés au sud de la Loire que la
libération s'est faite dans cette zone sans que les
alliés aient besoin de traverser la Loire.
- Dans le rapport de force, cela a eu son importance...
P - Eisenhower et Montgomery ont dit, tout de suite après la
guerre, que cela avait épargné 15 divisions aux
Alliés.
H - Il y a eu les maquis de Bretagne qui ont fait un travail
considérable. Je ne parle pas des gros maquis : les gros maquis,
cela a été un désastre (...)
P - Il y a aussi une énorme différence entre un maquisard
et un soldat. A mon avis, vous ne pouvez pas faire d'un soldat un
maquisard.
Notre principale force - et c'est pour ça que j'étais
tellement en colère le jour où ils ont rassemblé
tout le monde à Valençay dans la forêt de
Gâtines - c'était de connaître notre terrain. Les
maquisards doivent savoir qu'ils ne peuvent pas se battre comme le font
les militaires qui se tirent dessus, essaient de gagner un terrain,
reviennent en arrière etc. La guérilla, ce n'est pas
ça du tout : vous les harcelez et vous vous retirez. Il ne faut
ni tenir le terrain, ni chercher l'affrontement.
Extrait du livre
« Pauline » -
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