Formation initiale (pages 20 à 22)

Pauline - Quand Maurice Southgate est venu se proposer à l'Ambassade d'Angleterre à Paris pour entrer à la R.A.F. - c'était en 1939 - cela faisait très longtemps qu'on ne s'était pas vus, et on s'est retrouvés nez à nez devant la porte ! On a convenu de se revoir, et puis il a été engagé comme sergent interprète auprès de la R.A.F., à Reims. On s'est alors complètement perdu de vue, jusqu'à ce qu'on se retrouve à Londres en 1941, au moment où je suis arrivée au ministère de l'Air. Lui était là depuis presque un an déjà. Je lui ai dit un jour :
- Tu sais, j'ai l'intention de retourner en France (pour aider la résistance), est-ce que ça te dit de faire ça, toi ?
- Je n'en ai jamais entendu parler...
- J'ai la possibilité, si tu veux.
- Donne moi 24 heures pour y réfléchir, je te dirai ça demain.
Sa femme était restée en France, lui était en Angleterre et je savais très bien qu'il s'embêtait. Il a dit oui le lendemain.
- Quelle était sa formation ?
P - Il était décorateur de métier, sorti de l'école Boulle (...)
On avait d'abord trois semaines d'entraînement paramilitaire : maniement des armes, des explosifs, apprendre à tomber... On était dix-sept, dont trois femmes.
J'ai ensuite passé sept semaines enfermée dans une des écoles spéciales. Là, on m'a appris la façon de répondre à des interrogatoires, comment cambrioler une maison au cas où on avait besoin d'y prendre quelque chose, entrer clandestinement quelque part... Les messages secrets, les codes, le choix des terrains pour les parachutages etc. On commençait la journée à 7 h par de la culture physique et on travaillait jusque tard le soir. Je suis sortie de là-dedans sur les genoux !
Comme exercice, on m'avait envoyée dans le nord, à Birmingham, avec une fausse carte d'identité, pour essayer de recruter des « résistants ». J'avais du mal à savoir où j'étais : là, comme dans toute l'Angleterre, tous les panneaux indicateurs avaient été retirés pour empêcher d'éventuels parachutistes allemands de se repérer. Il me fallait trouver une chambre par mes propres moyens à partir de la deuxième nuit : je m'étais adressée au laitier qui, chaque matin, faisait ses livraisons dans toutes les maisons du quartier et connaissait donc tout le monde...
Notre formation n'était pas mal faite, dans l'ensemble. Mais les officiers ne pouvaient pas nous dire, exactement, quel allait être notre travail en France. On a aussi appris à sauter en parachute, dans le nord de l'Angleterre, du côté de Manchester. Un des garçons m'avait dit « tu verras, ça fait une impression extraordinaire. Tu as la sensation que le monde t'appartient ». Mais ce n'était pas vrai ! Je me suis très vite retrouvée par terre et la deuxième fois, je suis tombée beaucoup plus fort que la première, comme si j'avais fait une chute de trois mètres.
- Vous en avez fait combien de sauts, en tout ?
P - Trois en entraînement, dont un de nuit et puis le quatrième en opération. Les hommes en faisaient quatre à l'entraînement et un cinquième en opération, ce qui leur donnait le droit de porter les ailes : le brevet des parachutistes (il fallait cinq sauts). Moi, quand je suis arrivée en Angleterre, on m'a dit « non, non, vous ne pouvez pas porter les ailes, vous n'avez fait que quatre sauts »...
- Autrement dit, ce n'était accordé qu'aux hommes ?
P - Oui !
Henri - Mais tu les a mises quand même...
P - Ça m'était complètement égal : j'avais fait mes sauts, j'étais allée en opération, je les portais quand même !

Extrait du livre « Pauline » - Copyright les Editions "Par exemple" - Pour tous renseignements : e-mail H.Larroque

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